mardi 27 décembre 2016

Le destin d'une ville

Historique de la ville de Kenitra / Port-Lyautey

 Il est important de vivre dans une ville dont on connaît l’histoire et les origines.

Les villes comme les hommes ont leur destin , Celui de Kenitra est l'un des brefs et l'un des plus ètonnants qui soient .
Kénitra est située au Nord-ouest du Maroc à proximité de l'Océan Atlantique entre Rabat et Tanger. Cette ville est construite sur la rive de l' Oued Sebou, qui prend sa source dans le Moyen Atlas et dont la longueur est d'environ 600 kilomètres. Kénitra est la capitale du Gharb riche région agricole arrosée par le Sebou et ses affluents . Elle est proche de la station balnéaire de Mehdia Plage dont les dunes bordent l'Océan.
En 1614, au moment où la Hollande se disposait à occuper le port de Mehdia (10 km) , l'escadre espagnole de l'Amiral Luis Fajardo débarquait ses troupes et s'emparait de la citadelle. El Mamoura devint alors San Miguel de Ultramar. La domination espagnole dura 67 ans.
En 1681 la place succomba face aux troupes de Moulay Ismaïl.
Avant 1911, là ou il y a maintenant une grande ville importante et moderne , il n' y avait que : La casbah , remontant à une trentaine d'années, et situait sur la route appelée "piste makhzen" (Trik Es Soltane) allant de Rabat à Fez. Elle servait de gite d'ètapes et de refuge aux troupes , La casbah de Kenitra est semblable à toutes les anciennes citadelles des Sultans du Maroc. Elle se présente comme un grand quadrilatère d' une superficie de 8169 mètres carrès entourèe d'une enceinte en pisè flanquée de tours carrées aux quatre coins et au milieu de chaque face. Elle donne l'impression d'une petite forteresse. Construite vraisemblablement en 1892 sous le régne du sultan Moulay Hassan I . On connaît l'année de son achèvement 1895. 1313 exactement selon le calendrier musulman, sous le règne du Sultan Moulay Abdel Aziz . Cette date du calendrier musulman figurait dans une inscription au-dessus de la porte d'entrée. Cette porte s'ouvrait face à la mer (vers l'ouest). Les postes de garde se tenaient sous la voûte de plein cintre. Face à l'entrée, à l'intérieur, se trouvait une petite mosquée avec un minaret. Il semblerait qu'elle ne fut jamais achevée et n'aurait jamais servi de lieu de culte. Tout autour des murs d'enceinte, à l'intérieur, se trouvaient des batiments intra-muros . Ceux ci se limitent à plusieurs pièces pour loger les soldats et les voyageurs de passage et des bniqats ( cellules ) pour le logement des troupeaux. La casba était placée sur la rive gauche du fleuve (oued) Sebou, dans une grande boucle, à 7 km à vol d'oiseau de l'océan Atlantique.
À 1350 m, à l'est de la casbah, se jetait l'oued Fouarat, dernier affluent de l'oued Sebou avant son estuaire. À proximité stagnait la merja du Fouarat (zone marécageuse). À l'ouest de la casbah, à 4 km environ, se situait la merja de Bir-Rami qui devint un petit territoire maraîcher.Vers le sud-est se situe la forêt de la Mâamora, territoire des tribus Zemmour retranchées dans la forêt de la Mâamora, barrant l'horizon sur un plateau sablonneux reposant sur des dunes quaternaires consolidées. Vestiges de cette forêt de chênes-lièges (subéraie), Outre ces tribus guerrières, on comptait deux collectivités voisines l'une de l'autre :
 - La communauté des Saknia vivant de culture et de pacage le long du Fouarat,
- Une fraction des beni Ahsen du voisinage, les ouled Oujjih installés près de Bir Rami,
Plus la tribu guerrière ou guich des Haddadas jouxtant le territoire des Beni Oujjih et installée sur la rive gauche de l'oued Sebou entre la casbah de Kenitra et celle de Mehdya, voisinant avec les Mehdia. En face, sur la rive droite de l'oued Sebou se tenaient d'autres tribus guich des Khlot et des Tliq.
Les troupes françaises débarquent en 1911 à Mehdia et expulsent les 250 indigènes qui vivent dans la casbah de Mehdia en direction de Kenitra. Ils fonderont un douar (village) tout près.
1911/1913 , une période peu sûre à cause des tribus Zemmour qui harcelaient les troupes françaises et les civils. À l'appel du clairon de la garnison, tout le monde se réfugiait dans la citadelle
Le 19 Mai 1911, le Capitaine Petitjean est tué au cours d'un engagement à deux kilomètres de Kénitra. Son corps est ramené à la casbah. Une stèle dressée à sa mémoire, près de l'actuelle usine CMCP.


Obsèques du Capitaine L.L. Petitjean ( Inhumé au Cimetière Sainte-Marie-aux-Chênes, le 18/9/1911

1913/1919, la casba devient le siège de l'administration du représentant du protectorat français le 27 juin 1913.
La ville de Kenitra va d'abord se développer en terrain militaire, compte tenu de l'insécurité qui règne dans la région.
Elle devient le siège du Contrôle civil du Rharb et des Beni-Ahsen. Là va siéger le centre administratif du territoire.
Les anciennes chambres (beniqats) sont aménagées en bureaux pour le personnel du Contrôle civil.
Mme. Marie-Louise BOULIOU, née PASSEMARD, a été la première enfant à être inscrite à l’état civil de Kénitra en 1913,
Le 27 décembre 1914 est nommé un Chef des Services Municipaux et une Commission municipale.
On y installe un service de pompes funèbres et une prison civile. On y installe aussi une école et une chapelle.
En même temps, une garnison de supplétifs marocains, les mokhaznis, est installée, encadrée par des officiers français.

La casba

La casba 1913 / 1919



  • Le mausolée du saint , Sidi Larbi Boujemaa , qui sera plus tard le patron de la future ville .
  • Et enfin le ponceau jeté sur l'oued ( rivière ) Fouarat, appelé kantrat 3li ou 3adi ( ponceau d'Ali fils d'Addi, ).

  • Kantrat 3li ou 3addi (le ponceau d'Ali fils d'Addi)

    C'est ce nom que portera dèfinitivement le hameau qui sera plus tard une ville .Le nom de 3li ou 3adi tomba dans l'oubli et la ville gardera celui de Knitra ( ponceau ) de 1911 jusqu'à 1932 , ou elle aura une autre nomination , Port Lyautey , pendant 24 ans , en hommage à celui qui l'a construit ( Le Marechal Lyautey ). Avec l'indèpendance du Maroc en 1956 , la ville reprendra son ancien nom d'origine et sera donc renommèe Kenitra .
    Le 17 avril 1911 , une insurrection populaire de grande ampleur éclata dans la Capitale Fes .. Le sultan demande aux Français d’aller y rétablir l’ordre mais il semble que ceux-ci lui ont pour le moins forcé la main. La colonne Moinier ( colonne de Fes ) entre à Fès le 21 mars. Meknès est prise en juin. En contrepartie, l’Espagne occupe Larache et Ksar-el-Kébir et l’Allemagne réagit en
    envoyant la canonnière Panther à Agadir « pour protéger ses intérêts économiques » S’ouvre alors, après ce « coup d’Agadir », la troisième crise franco-allemande à propos du Maroc, finalement réglée par le troc proposé par Joseph Caillaux qui voit l’Allemagne laisser les mains libres à la France dans le royaume chérifien contre le rattachement d’une partie de l’Afrique équatoriale française au
    Cameroun allemand .
    Le 19 mai 1911 le Capitaine Petitjean est tuè au cours d'un engagement à quelques kilomètres de Kenitra son corps est ramenè à la casba.
    Une mutinerie des tabors contre leurs officiers et sous officiers français èclate à Fes en Mars 1912 Les soldats en révolte, rejoints par leurs proches, dont des femmes, puis par une foule de plus en plus
    importante, tentèrent ensuite de prendre d'assaut les consulats, les bureaux de poste et le siège de banques.
    Tabors Chèrifiens ( Soldats du Sultan )

    Le Général Lyautey , premier résident Général de France au Maroc , après avoir débarqué le 13 mai à
    Casablanca se dirigea rapidement sur Fes .C'est alors que va se jouer l'avenir de Kenitra.


    Le Maréchal Hubert LYAUTEY

    Mehdya possède l'unique port fluvial du Maroc à l'embouchure du fleuve Sebou sur
    l'Ocean Atlantique , fermé au trafic maritime en 1795, il s'inscrit dans un passé historique ancien.
    En Juilliet 1912 , l'Enseigne de vaisseau le Dantec achève le relevé complet de Sebou depuis Mehdya jusqu'au l'ilot Sainte-Marie ( Un ilot de l'Oued Sebou , aux environs de Oueld Berjal ) à cinq kilomètres en amont de kenitra ( géodésie , topographie , sondes , observations astronomiques , et magnétiques ) .
    Ce relevé est raccordé avec le plan de l'estuaire dressé par les Enseignes de vaisseau Laporte et Lefrançois . De son coté l'Enseigne de vaisseau Lacroix entreprend un travail sur la révision des houles au Maroc . Le 12 Août 1912, le Commandant Caloni, Directeur des travaux militaires du Protectorat se rend à Mehdia après avoir fait étudier un tracé de chemin de fer en voie de 0.60 mètre touchant le Sebou à Kenitra et gagnant Meknès par la lisière Nord de la Mamora. Au départ de Kenitra, une ligne de chemin de fer à voie de 0,60 m d'écartement allait jusqu'à Mechra Bel Ksiri à l'époque où le pont sur le Sebou n'existait pas. Cette ligne de chemin de fer construite par le génie militaire constituait essentiellement un organe de transport et de ravitaillement pour les troupes. Le réseau stratégique, commencé en 1911, a été exécuté avec une rapidité remarquable. Il a été ouvert au trafic public en 1916. La tête de ligne se trouvait à Kénitra, avec des installations situées dans le quartier militaire, près d'un marabout ( Sidi Larbi Boujemaa), accolé à un cimetière musulman. La ligne suivait le tracé de la route jusqu'à Sidi Allal Tazi puis Souk El Tléta avec une gare tous les 10 kilomètres environ. De là, elle se divisait en deux. Une partie continuée vers Souk El Arba du Gharb et Lalla Mimouna avec comme terminus Mechra El Hader à 8 km de Moulay Bousselham. L'autre partie allait sur Mechra Bel Ksiri pour continuer ensuite sur Ouezzane d'une part et Aïn El Aïcha d'autre part. Durant pas mal d'années, les traces de la ligne étaient visibles, notamment :
    - Baraquement en bois de la gare de Kenitra
    - Talus et reste de gare et piliers du château d'eau entre Kenitra et Mograne au milieu de bosquets
    - Reste de piles en bois à coté du pont routier de Mograne
    - Rails sur le tablier du pont de Sidi Allal Tazi, avant que la route ne soit refaite
    - Talus, et reste de gare et piliers du château d'eau à Lalla Rheno, sur la route de Moulay Bousselham
    - Talus vers Sidi Kacem El Seghir
    - A Mechra Bel Ksiri, gares, ateliers, ancien buffet, château d'eau et voies traversant la route à hauteur du passage à niveau actuel, disparues depuis.
    Le 15 Aout 1912 , Le Général Lyautey décide d'adopter Kenitra comme base de la voie ferrée entre Salè et Fes et aussi de l'adopter d'un port qui remplacera celui de Larache qui était sous influence espagnol.
    En souvenirs du capitaine Petitjean, Lyautey choisit la Casba comme emplacement du port .
    Dès lors , l'aménagement du port est entrepris sans retard . Le Lieutenant de vaisseau Lagorio
    ( Le Port portera plus tard son nom ) , avec des moyens de fortune, fait construire , par ses marins , un poste d'accostage composé de mahonnes reliées à la rive par une passerelle sur chevalets , et qui pu servir tel quel au débarquement de la première locomotive de 15 tonnes pour la voie ferrée de 0,60 mètre . (Apparition des premiers trains à traction animale.1912).
    Ce fut l'embryon du premier appontement , réalisé par la marine puis dont le génie poursuivra les travaux par la suite .
    Le 14 Novembre 1912 , le bateau ' le Fluor ' , de 11000 tonnes , portant un chargement complet de charbon et d'approvisionnement , remonte à Kenitra et dépose sa cargaison . Le Général Lyautey décide que le 1 janvier 1913 le port serait non plus réservé à des besoins militaires mais également ouvert au commerce . Mai - octobre 1912 , il était de devoir d'organiser tout ça , le service du Domaine Makhzen a pris pour son compte 190 hectare au sud de la casba. Dès que les autorités militaires ont choisi l'emplacement du port près de la casba , des civils se sont installés tout autour de ces installations portuaires et campements militaires .
    Décembre 1912 , une réunion , entre tous les services concernés ( armée , douane etc.... ) a mis toutes les bases du plan de la ville . Trois zones ont été créées , un terrain militaire, avec casernes et logements pour les officiers et les sous-officiers, sépare la zone réservée aux européens, appelée village à celle réservée aux indigènes ( musulmans et juifs ) appelée medina .
    Le Maréchal Lyautey avait une conception personnelle fondée sur son gout de la grandeur, sur l'expérience et sur une psychologie très sûre.IL tenait avant tout à la séparation de la ville européenne de la médina : question d'esthétique, d'hygiène, question de sécurité aussi : L'exemple de Fez en 1912 l'aurait convaincu s'il n'eût été un converti préalable. Question enfin , et nous le retrouvons bien là , de respect des mœurs musulmanes :
    Les terrasses sont les seuls endroits où les femmes arabes puissent se promener et se détendre; un gratte-ciel dominant les basses maisons de la médina aurait permis des regards indiscrets et, par là condamné ces infortunés à la réclusion.
    Les européens sont interdits de louer des locaux aux indigènes par arrêté municipal du 14 septembre 1927.
    Aux termes des lettres explicatives annexées à la convention franco-allemande de 1911, la mise en adjudication du chemin de fer de Tanger à Fes ne devait être primée par celle d’aucun autre chemin de fer marocain.,Pourtant l’Allemagne avait dû admettre l’établissement rapide des voies de 0m.60 pour le transport des troupes et la pacification du Maroc. La construction des chemins de fer a été retardée par les querelles de l’Allemagne, puis par la guerre de 1914.
    La direction des Chemins de fer militaires a inauguré depuis 1917 des services de transport de voyageurs par automotrices par automotrice ou draising , avec une vitesse moyenne de 30 kilomètres à l'heure. C'est l'auto sur rail avec un ou deux vagonnets découverts.
    La voie ferrée Decouville s'étend entre Rabat, capitale administrative du protectorat, et Fez, ancienne capitale chérifienne du nord marocain.
    Le ponceau, dont Kenitra portait le nom, sera détruit en 1928 par l'ingénieur Ferras pour la construction de la ligne ferroviaire 0,60 reliant Kenitra à Petit Jean ( Sidi kacem ).

    Construction du nouveau pont sur l'oued Fouarat

    Le 1" Janvier 1913, le Port était officiellement ouvert au Commerce, et la carte du service hydrographique
    mentionne le petit port de Sebou et le nomme Port-lagorio .
    Un petit appontement en bois de 40 mètres de long fut créé par le Capitaine du Génie Naquet - Laroque.
    Une grue à main, d'une force de 6 tonnes, pour débarquer les colis lourds, fut installée le long du fleuve;
    4 mahonnes, d'une portée de 100 tonnes, de l'arsendl de Toulon, furent amenées du Port de Rabat, ainsi que quelques
    barcasses. Voilà ce qu'était, en 1912, l'ozzlillage économique du Port de Kénitra. Bien entendu, point de quais.
    Un seul magasin en tôles servait à l'emmagasinement des marchandises, en même temps qu'il abritait le bureau des Douanes.
    Le Lieutenant de vaisseau lagorio ne savait pas que , vingt six ans plus tard , soit en 1939 son appontement serait le second port du Maroc .
    Le 19 dècembre 1914 , Lyautey apposait son paraphe vigoureux sur le plan de la ville future qui lui ètait soumis .

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